Frontiere Interdite Read online

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  Carson en savait désormais assez pour être capable de retrouver son contact tout seul.

  — Vous m'avez rendu un grand service, monsieur Bond, dit-il.

  Manifestement, Bond aurait bien voulu savoir ce qui était arrivé aux deux hommes. Et pas par simple curiosité mais pour un motif bien précis. Carson était sûr que s'il apprenait la vérité, il s'en servirait comme d'une arme.

  — Les gens vont et viennent, fit-il en se levant. Bond haussa les épaules, en dissimulant son irritation.

  — On ne les a jamais revus, insista-t-il néanmoins.

  — Ma foi... Que voulez-vous que je vous dise ?... Bon. Je suppose qu'il va falloir que j'aille moi-même à Saragoza.

  Bond resta bouche bée.

  — Vous comprenez, reprit Carson, je suis payé par Fisher, je dois lui obéir. Il me dit d'aller à Saragoza, alors j'y vais. Merci de votre proposition.

  Carson sortit. Il était près de midi. S'il partait tout de suite, il aurait franchi le Rio Grande et atteint Saragoza vers deux heures, juste après la sieste.

  — Je devrais être de retour vers six heures, dit-il à Bearclaw. Surveillez bien le chariot. Je me méfie un peu de notre ami.

  Bearclaw répondit par un grognement. Carson fut satisfait de constater qu'il partageait son opinion. En partant, il aperçut le visage de Bond collé à son carreau et vingt minutes plus tard, tandis que son cheval pataugeait dans le gué du Rio Grande, il se dit que les deux dernières personnes qu'il avait vues aux Etats-Unis seraient enchantées s'il périssait noyé dans le fleuve, ou à Saragoza. Bond complétait le brelan. Si Carson avait été catholique, il se serait signé ; amusé par cette pensée, il tira de sa poche un dollar d'argent, murmura « Bonne chance » et lança la pièce en l'air d'une chiquenaude. Elle tournoya en scintillant au soleil et au moment où elle retomba dans les eaux limpides, le cheval de Carson mit le pied sur la terre mexicaine.

  X

  En arrivant à Saragoza, Carson vit des enfants qui s'amusaient à jeter des pierres à un chien. Le chien s'éloignait, résigné, la queue entre les jambes. Une pierre le frappa au cou. Il poussa un cri de douleur et se mit à trotter. Carson poussa son cheval entre le chien et les enfants et leur ordonna sèchement de cesser ce jeu. Ils le regardèrent avec stupéfaction. Carson attendit que le chien ait disparu entre deux maisons de pisé, puis il repartit, sous le regard rancunier des enfants.

  Il mit pied à terre devant une pulqueria, à l'enseigne de La Fleur de Chihuahua. Des bougainvillées pendaient d'un balcon de fer rouillé au-dessus des portes battantes.

  Carson dut écarter les branches aux fleurs violettes pour entrer dans le café. Il alla s'asseoir à une table crasseuse et commanda de la tequila. Le barman coupa un citron avec un couteau rouillé, en dévisageant Carson d'un air hargneux, puis il le servit, plaçant aussi devant lui une petite soucoupe de sel.

  Carson trempa le citron dans le sel, le mordit, et avala la tequila qui lui brûla la gorge. Il en commanda une autre. Il ne fallait pas presser le mouvement s'il voulait obtenir des renseignements.

  Il y avait quatre hommes au comptoir. Ils s'étaient tous retournés et le dévisageaient carrément. Soudain, Carson aperçut plusieurs paires de jambes, sous la porte battante. Il dégaina son colt, le plaça sur ses genoux sous la table, et croisa ses mains dessus. Il sentit alors sur sa nuque le contact d'un petit cercle d'acier froid. Trop tard, il se rappela la lucarne ouverte derrière lui.

  — Manos arriba!

  Carson leva les mains. L'acier pressa douloureusement son cou.

  — Alto! Mas alto! Cabron! Il leva les bras au ciel.

  — Pose! cria le barman.

  La porte s'ouvrit et des hommes entrèrent, armés de Winchester. L'un d'eux tendit sa carabine à un de ses camarades et s'approcha pour s'emparer du colt de Carson. Il l'examina, poussa un petit grognement de satisfaction, le fourra dans sa ceinture et récupéra sa carabine. Tout le groupe alla s'adosser au bar, sans quitter Carson du regard.

  — Que posa ? demanda-t-il en s'efforçant de parler calmement.

  Personne ne répondit. Il haussa les épaules et vida son verre de tequila.

  Il n'était pas trop inquiet. Ces hommes n'avaient pas l'air d'une bande de lyncheurs. Il se dit qu'il n'aurait qu'à demander à parler au général et quand Ils comprendraient qu'il était venu le voir, tout s'arrangerait. Le seul problème était de mettre la main sur le général sans que les soldats fédéraux en soient avisés, car il se pouvait bien que la troupe soit elle aussi à sa recherche. Mais dès qu'il l'aurait contacté, cet homme le protégerait et ce, dans son propre intérêt : le besoin qu'il avait des Winchester et des munitions l'y pousserait.

  D'autres hommes arrivèrent. Ils s'écartèrent pour laisser entrer un individu petit et trapu, armé d'un colt qu'il braqua sur Carson. Il lui fit signe de se lever. Carson obéit, lentement, en mesurant les distances. L'homme traça un petit cercle avec le canon de son arme. Carson se retourna face au mur ; il estima que l'homme n'était pas suffisamment énervé pour lui tirer dans le dos.

  Le bonhomme trapu donna des ordres. Trois des Mexicains posèrent leur carabine et fouillèrent Carson, sans ménagement. Ils déchirèrent ses poches. Trois dollars d'argent roulèrent sur le sol. Le paquet de tabac suivit. Carson regardait à travers la lucarne par laquelle on avait pressé un revolver sur sa nuque. Il vit quatre femmes assises sur un banc de bois, à l'ombre d'un peuplier. Trois d'entre elles étaient indiennes, mais la quatrième, plus menue, avait le teint clair des Espagnoles. Elle se retourna et sursauta en voyant les hommes armés menacer Carson. Il croisa son regard, et elle ne baissa pas les yeux, comme le faisaient généralement les Indiennes quand un homme blanc les regardait.

  Elle se leva et s'éloigna lentement ; les autres femmes lui emboîtèrent immédiatement le pas, comme pour lui faire escorte, ou la surveiller. Carson constata qu'elle avait les pieds propres, et qu'elle portait des sandales. Elle n'était donc pas indienne.

  Ses réflexions furent interrompues quand on tira violemment ses bras en arrière pour lier ses poignets avec une corde ; puis on le fit pivoter et on le poussa sur sa chaise. Le gros homme trapu s'approcha, lui ôta ses bottes et les examina avec satisfaction. Carson n'en fut pas surpris. Les bottes lui avaient coûté vingt dollars et elles étaient les meilleures qu'il ait eues de sa vie. Le gros bonhomme fit lever Carson, s'assit à sa place et enfila les bottes. Elles lui allaient bien. Il sourit de plaisir et envoya promener ses vieilles espadrilles ; puis il croisa les bras et considéra son prisonnier.

  Carson était désormais persuadé qu'il avait affaire à un petit fonctionnaire, un garde-frontière qui avait découvert qu'il venait traiter avec un bandido. On allait l'interroger et au bout d'un jour ou deux, quand il aurait graissé la grosse patte du gras fonctionnaire, on le relâcherait. L'essentiel était de veiller à ne pas se faire abattre dans la demi-heure suivant son arrestation, sous l'habituel prétexte de tentative d'évasion.

  — Qu'est-ce que vous faites ici ? demanda l'homme en espagnol.

  — Je suis ici pour affaires. Vous êtes le shérif ? L'homme sourit. La foule éclata de rire.

  — C'est ça. Qu'est-ce que vous voulez?

  — Je ne tiens pas à perdre mon temps ni le vôtre. Où est le shérif ?

  — Vous n'avez plus le temps, amigo. Disons que je suis le shérif et répondez à mes questions.

  Délibérément, Carson lui tourna le dos, et fit face aux hommes armés. L'un d'eux passa lentement son index en travers de sa gorge.

  — Pourquoi pas ? dit sèchement Carson. L'homme le regarda d'un air interloqué. Il s'était attendu à un mouvement de peur, ou un geste de défi. Le gros trapu rougit. Il se leva, saisit Carson par le bras et le fit pivoter, mais il le lâcha brusquement quand une voix lança du seuil :

  — Ça suffit, Pablo !

  Carson fut brutalement poussé dehors. Un des Mexicains lui avait pris son sombrero et l'avait coiffé de son propre vieux chapeau crasseux. E était trop petit, mais Carson fut quand même reconnaissant d'être protégé du soleil brûlant de Chihu
ahua. On le hissa sur son cheval. Il regarda autour de lui, cherchant celui qui avait ordonné à Pablo de le laisser mais il avait disparu. Les hommes semblaient attendre quelqu'un d'autre.

  Finalement, la porte d'un petit restaurant s'ouvrit et un homme apparut ; il mangeait une tortilla de laquelle tombaient des haricots rouges. Quand il eut fini, il s'essuya la bouche d'un revers de main et rota.

  Il n'avait pas quitté Carson des yeux, comme s'il l'évaluait du regard. Tous les autres semblaient attendre respectueusement qu'il ait fini de manger.

  Il rentra dans le restaurant et lança un ordre bref. Les quatre femmes entrevues un peu plus tôt apparurent. La fille au type espagnol marchait au milieu, la tête haute. En passant devant l'homme, elle le toisa d'un regard glacial. Il devait s'attendre à cette manifestation de haine car il éclata de rire. Agé d'une trentaine d'années, il avait de longs cheveux noirs et une moustache hirsute. La patronne du restaurant, une Indienne, sortit à son tour ; elle lui apportait une autre tortilla et son sombrero chamarré d'or. Il se coiffa d'une main, tout en mangeant. Carson remarqua alors que l'homme portait un pantalon orné de pesos d'argent.

  Il sauta enfin sur un cheval magnifique et s'approcha de Carson qui ne fut pas étonné de son odeur nauséabonde.

  — Oye, Tejano, dit l'homme.

  — J'aimerais...

  Carson allait dire qu'il aimerait lui parler en tête à tête d'un chargement de pelles, mais un coup de fouet en pleine figure lui coupa la parole.

  — C'est moi qui parle, Tejano. Comprende? Carson savait qu'il lui fallait se dépêcher de parler, avant qu'on l'arrache de sa selle pour l'abattre.

  — Oui, mais...

  La cravache lui cingla encore une fois la joue.

  — T'as pas le temps de parler, Tejano, dit calmement l'homme. Moi j'ai tout mon temps. Je suis un général. Tu sais ce que c'est, un général ? C'est moi ! Moitié Yaqui, moitié espagnol. Jamais je pourrai être officier de cavalerie dans l'armée mexicaine, alors je me suis fait moi-même général. Pas mal, hein ?

  Il avait parlé anglais. Il traduisit à l'intention de ses hommes, qui éclatèrent de rire. Puis la petite troupe s'ébranla, les éclaireurs devant, un autre groupe en arrière-garde. Carson compta une cinquantaine d'hommes, tous maigres et durs, coiffés des grands sombreros du nord du Mexique. Ils étaient tous armés de machettes et un tiers environ de carabines. Carson remarqua que leurs cartouchières étaient loin d'être pleines.

  — J'ai travaillé trois ans au Texas, reprit le chef. Et puis, j'en ai eu assez d'être traité de sale espingouin. Alors un soir j'ai tué mon contremaître et j'ai traversé le Rio Grande...

  Il fit claquer sa langue à plusieurs reprises et frappa vivement ses cuisses de sa cravache, pour mimer une fuite rapide. Il baissa les yeux sur son pantalon, et caressa les pesos.

  — Il est pas mal mon pantalon, hein ? Pour un Indien ! Les pesos, je les ai pris à un hacendero à Sonora. Face au mur, pan !

  Il chevaucha un moment en silence d'un air sombre, puis il releva la tête en souriant.

  — La même hacienda où mon père était peon ! Ce hacendero, il avait pris ma sœur. Elle était jolie, ça oui. Il a dit à mon père de pas s'occuper d'elle ni de rien. Ma mère elle a pleuré beaucoup, et alors elle est allée à la grande maison pour demander après ma sœur. Il l’a frappée avec son fouet. J'avais dans les dix, douze ans. J'ai fichu le camp. Je suis revenu quinze ans plus tard avec cent cinquante hommes. Mon père et ma mère étaient morts, et personne savait ce que ma sœur était devenue. J'ai tué le mayor dorno vite fait, Il méritait pas de mourir vite, mais il savait très bien se servir d'une carabine et d'un couteau. J'avais besoin de silence. J'ai tiré le hacendero de son lit Toujours le même, il avait pas changé, il avait une petite gosse de quinze ans dans son lit. Le lendemain matin, j'ai rassemblé les peones pour qu'ils regardent tout. Sa femme était morte depuis longtemps, dommage. Sa fille dans un couvent à Paris, dommage. Au lever du soleil je lui ai planté un couteau dans les deux joues et dans la langue parce qu'il disait un tas de saletés sur moi et mes amis. Et puis, j'ai fait un trou dans son nez et j'y ai passé une chaîne pour le traîner comme un burro. Aussi entêté, il était. Mais il a suivi. Et puis ça nous a plus tellement amusés. Alors je lui ai coupé un bout de chaque doigt. Nous autres les Yaquis, on sait bien y faire. Ça dure jusqu'à midi, les peones s'ennuient, on coupe d'autres choses. Et il meurt. Alors, moi je demande aux peones, qu'est-ce que vous croyez que le gouvernement va vous faire, pour tout ça ? Hein ? Pareil comme à lui ! Ils sont d'accord. Alors je leur demande, où est la sécurité ? Avec moi. Toujours sur la route, toujours des bons fusils, des munitions, nous prenons une autre hacienda et nous avons des beaux habits pour les femmes, peut-être des beaux chandeliers d'argent qu'on prend dans la chapelle. Et mon armée grandit pas difficile. Un tas de montagnes pour se cacher, un tas de gibier. Un tas de rochers à faire tomber sur les Rurales... Et huit jours après qu'on a tué le hacendero, qu'est-ce que tu crois ? La fille rapplique. En diligence, avec une escorte de six soldats ! On tue les soldats, vite, vite ! J'ai la fille ! Elle attend. Un de ces jours, moi je la prends comme son père a pris ma soeur. Elle aime pas attendre, c'est pour ça que je la prends pas tout de suite. J'ai appris une chose dans ma vie. Attendre un malheur, c'est pire que si le malheur arrive tout de suite. Si, Tejano ! Mais je sais pas pourquoi je parle comme ça. Peut-être parce que t'as des cojones, de venir tout seul comme ça à Chihuahua, un Tejano. Et après ce que t'as fait.

  La dernière phrase inquiéta Carson. Il feignit de ne pas y prêter attention, mais le regard fixe du général, sous le large bord du sombrero, lui disait que sa vie ne tenait qu'à un fil très mince. Le général avait prononcé ces mots lentement, avec une certaine tristesse, comme s'il était un juge délivrant un verdict.

  — Tu as tué deux Mexicains la dernière fois que t'es venu par ici, reprit le général. Je mettrai deux, trois jours pour te tuer. Je ne veux pas de discussions, pas de discours. Comprende? Fini.

  Il éperonna son cheval.

  Dix minutes plus tard, ils arrivèrent sur les bords d'une petite rivière boueuse aux berges escarpées. La jument de Carson hésita, et Pablo abattit son fouet sur sa croupe. La monture fit un bond, rua, et tomba sur le flanc. Elle glissa le long du talus, écrasant Carson dans la vase. Il retint sa respiration. Pablo éclata de rire en voyant la jument se débattre et ruer des quatre fers en s'efforçant de se remettre debout. A chaque fois elle retombait, enfonçant plus profondément Carson dans la boue dont la couche était si épaisse qu'il n'avait pas été blessé. Mais il suffoquait et il dut faire appel à toute sa volonté pour ne pas crier au secours. Le général revint au petit trot et contempla la scène en souriant.

  La fille du hacendero sauta à bas de son cheval tout droit dans la boue. Elle saisit Carson par les épaules, le tira et parvint à le sortir de la vase. Il eut à peine le temps de la remercier que le général avait poussé son cheval dans la rivière et cinglé la fille au visage avec son lasso. Elle tenta d'attraper la corde mais il la lui arracha des mains et la fit tournoyer au-dessus de sa tête en riant. Carson serra les dents ; il tremblait de rage. Et puis il se mit à vomir l'eau et la boue qu'il avait avalées.

  Des mains rudes le hissèrent en selle. Pablo tira des fontes la carabine de Carson, essuya la boue, contempla l'arme avec admiration, puis après avoir lancé un coup d'oeil circonspect au général, il la remit dans le fourreau à contrecœur. Carson comprit que le général se l'était réservée, mais il avait tellement mal au cœur qu'il se désintéressait de tout.

  Après un dernier spasme, il se redressa et vit la fille au milieu de son escorte d'Indiennes, qui la poussaient et la frappaient. Elle gardait la tête haute, et il admira son arrogance et sa fierté.

  Deux heures plus tard, Carson reconnut l'endroit où on l'avait amené ; un mois plus tôt il avait campé près de cette route avec Tito et Manuel. L'air empestait. Carson fut tiré à bas de son cheval et poussé dans le chaparral. Il vit le cercle de pierres marquant remplacement de son feu de camp, la pie
rre plate où il s'était assis, le creux de terrain où il avait dormi, enroulé dans sa couverture et entendu le cliquetis de la Winchester qu'on armait. Et un peu plus loin, L’endroit où il les avait dévêtus pour laisser leur carrcasse aux zopilotes. — Ça sent mauvais, hein ? dit le général. Carson commençait à avoir peur ; il était certain que rien ne pourrait détourner le général de son désir de vengeance, que jamais il ne pourrait lui faire comprendre qu'il avait tué les deux Mexicains pour se défendre.

  Le général s'était assis, et l'observait d'un air sombre, la carabine posée en travers des genoux.

  — Tu ne m'aimes pas beaucoup, Tejanot Hein?

  Carson ne répondit pas. Le général alluma une cigarette, puis il adressa un signe à l'un de ses hommes, qui apporta une pioche et une pelle et les jeta aux pieds de Carson.

  — Je crois qu'ici ce serait bien, dit le général en désignant le sol d'un index crasseux. Vas-y, amigo.

  Lentement, Carson se mit à creuser.

  — Dis-moi, demanda le général avec curiosité. Pourquoi tu les as pas recouverts avec des pierres ? Pas de coyotes, pas de zopilotes, personne les aurait trouvés. T'es stupide, ou quoi ?

  Carson ne dit rien, mais en son for intérieur, il était d'accord. Il avait pensé que les zopilotes auraient rapidement dépecé les cadavres et qu'il n'en resterait rien. Il n'avait pas voulu perdre une heure à charrier des pierres de crainte d'être surpris. Et à présent, il regrettait sa hâte.

  Lentement, posément, il creusait en cherchant fébrilement un moyen de se tirer d'affaire. Il avait atrocement soif. La sueur ruisselait dans ses yeux, le soleil tapait sur sa tête nue. De temps en temps, il se redressait et s'essuyait la figure sur sa manche.